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1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 14:04

Le verre qui avait 2 têtes, le verre qui avait 2 pieds

Rap sur un verre d’Achille Castiglioni

 

Je suis un verre double, réversible, réversible

Cible à eau, bible à vin

Conique je suis

Doublement, double – ment

On me croit à l’eau oh ! Je suis au vin

Mes coupes tête-bêche se livrent bataille,

Cul par dessus tête

 

Il fait soif

 

Coupes désassorties et pourtant accouplées,

Je suis issu d’un mariage contre nature

Si le vin a soif, je dois prêter la jambe,

Si l’eau fait sa cure, je dois tarir l’alcool

Pas question de faire cul-sec  sur le zinc

La jambe goutteuse frêne l’allure

L’embonpoint aqueux alourdit l’élan

Comment faire régime, comme faire abstinence,

Quand Bacchus lui-même incite à l’ivresse

 

Il fait soif

 

Exclusif, je suis

Soit au vin, soit à l’eau

Mes coupes sont jalouses

à peine le vin versé, l’eau clame son dû

à peine régénérée, l’eau doit céder la place.

 

Il fait soif

 

 

 

Je suis un verre blanc, déhanché,

Désaxé

Un léger déséquilibre me rend dynamique, dynam-hic,

hic-hop, je tourne et me retourne,

Sablier à vin, outre pleine d’eau, sablier à eau, entonnoir à vin

Je suis un verre double,

Contorsionniste honnis

Où la jambe du vin soutient le corps de l’eau,

Où la panse de l’eau oppresse le vin gracile

 

Je suis un verre grand, monument, monument

Vase à boire, hanap de Table-ronde,

vin preux, baptisé…  à l’eau.

 

Il fait soif

 

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1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 11:24
BAIN DE SIEGES

 

Chimering. La chaise de TIZAC de CURTON.

 

L’image de la chaise de Tizac de Curton me poursuit. Je n’ai pu retenir ce dessin (était-ce bien un dessin ?) –que j’avais trouvé étrange dans cette exposition, d’une nature autre, ignorant le reste des œuvres.

Vendu, me dit-on. Occupant d’autres cimaises, ornant d’autres salons.

Envolé le dessin.

 

 

Le cycle sur le design se termine.

Voilà un an que je parle de sièges ;  j’en ai passé au crible un grand nombre : des fonctionnels, des moëlleux, des noirs, chics et épurés, des pastels couleur guimauve, des filiformes, des pivotants, des transformables, des sièges-manifestes, des chaises barbares et supplicielles, le fauteuil évanescent de Shiro Kuramata, l’érotique « Donna » de Gaetano Pesce…

 

Au fond, tout a commencé avec la chaise de Tizac de Curton.

 

De sièges en sièges, j’agite mes chimères.

Passer une vie à s’asseoir !

Délice de l’expérimentation : formes, textures, couleurs, sons.

Faire l’expérience du doux, de l’énergique, du crissant.

Eprouver la souplesse des accoudoirs rotatives du fauteuil de Le Corbusier, le frôlement des plumes de la coiffeuse de Hans Hollein depuis le tabouret qui lui fait face, le chatouillement des cheveux, collés en crinière sur les pieds de la chaise de Dalmon, le bercement anglais du transat d’Eileen Gray ou le balancement de la chaise-araignée du jeune designer bordelais René Pavageau.

 

Ou encore perchée au sommet d’une de ces armoires-trônes de Pucci di Rossi, exercer un pouvoir courroucé avec d’autant plus de jubilation qu’on sait qu’il est dérisoire et fantoche.

 

Exorciser les sièges exubérants et provocateurs de Memphis, aux couleurs bruissantes, qui mirent en révolte toute une assemblée de notables bordelais, un jour où, dans un salon XVIIIème décrépi, j’avais imaginé pour eux –non sans innocence- une petite promenade colorée parmi les objets du quotidien.

 

Battant la chimère, je ressasse des souvenirs.

 

Je me rappelle cette sexagénaire qui m’accueillant chez elle, au fin fond des Etats-Unis, -à San Diego, je crois-, me donnant pour m’asseoir l’alternative entre un sotf sofa et une straight chair. Je compris alors que mon choix fournirait à cette Wasp, attachée à l’étiquette, un jugement de valeur sur ma personne, selon que j’opterais pour un certain laisser-aller ou pour la réserve qui convenait. (Je choisis en définitive une attitude raide sur le canapé moëlleux).

 

Mes chimères de chaises sont aussi une somme de déconvenues.

 

Regret de n’avoir pas auprès de moi ce siège emmailloté, entrevu, par surprise dans le bureau de Lily à l’université et dont il me reste une image imprécise, me renvoyant tour à tour au nouveau-né de Georges de La Tour, aux En-lacets de Max Cartier, -chaises brisées, bandées de tissus voluptueux et enlacées de fils-, ou à ce livre de mon enfance –un alphabet illustré- dans lequel je ne sais quelle lettre s’enroulait ainsi dans des langes.

 

Tania, la belle envolée, qui jamais ne vint me voir pour parler de sa chaise matricielle.

 

 

Ce soir, Orlan est à Bordeaux.

 

Je la revois, procédant religieusement sur les marches du grand escalier du Musée Chéret à Nice, avant de se figer, sur une stèle, où elle avait choisi de montrer l’extase de Ste Thérèse d’Avila, hiératique, un sein dénudé.

 

Je l’évoque encore, à Lyon, lorsqu’elle présentait sa machine à donner des baisers. En ces temps, je ne songeais pas encore au type de chaise qui lui eût convenu pour que jamais baiser ne fût plus ergonomiquement donné.

 

L’artiste, ce soir, tente de dénouer un débat qui ne veut point éclore ; dédaignant les sièges universitaires de série, tous identiques et donc sans ressource, Orlan prend le pouvoir, s’asseyant sur la table.

 

 

Au terme de ce cycle, l’image de la chaise de Tizac de Curton me revient. Vision imparfaite, imprécise et pour cela aimée.

 

Certains sièges sont si beaux que je leur préfère, en effet, l’effigie ; copie mentale, modelable à l’envi, qui a l’avantage d’être et de n’être pas.

« La vérification fait mourir les images. Toujours imaginer sera plus grand que vivre », dit Bachelard.

 

Au fond, tout a commencé avec le siège de Tizac de Curton.

 

Roseline Giusti.

Suzon, Talence, 29 avril 1997.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 00:00

Epithalame  F. D./ C. W.

 

Sous les arbousiers, nue et nu vont

Roi et reine lisser leurs désirs

Baisers loués !

L’oie niaise à flanc de colline lance à

L’oisillon son rire

L’abeille rance freine sur une éclisse

Blessure ?

Dans le sillon un obus délaissé reste cois

Foi ou deuil dans Sion cérusée ?

L’année est bonne, bolide à la clef

Boire l’anis dans le bois-suaire

Lien de la foi.

                                     Hongrie été  1989

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 23:00

Harem de cratères

et de oics stériles

Eunuques décoiffés de souffre

douleur d'assouvir

-Ci-gît la noiraude pâte

croûte dorée pliée sous l'incisive

sauvage tresse mate

Pain campagne incurvé de rotin

ongles

duralumin veronese de la tapisserie chair

J'aime ce vent immobile sur le temps

vert

 

Lune en croix ?

-Sans

 

Pleine lune

l'âme

bronze damasquiné

plus incroyable que les dieux

s'arrache au secret

-qui donc vient troubler le silence ?

 

Monts et cratères poussiéreux

d'une non découverte

s'ouvrent et dénudent

Crains-tu le pire ?

La déchirure de crin, verte et plastifiée

témoin d'une richesse

Entrailles à jamais révélées d'un inconnu

désormis proche

Pourquoi ?

Voisine pérenne et...commérages superflus

implacable vente d'une nature

austère d'un grand suicide

filiforme rédemption carrée

mentholée d'aromates tristes

L'effort dira.

 

Nice

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 23:00

 

Ici ou là, qu'importe ?

Ici ou là, pourvu que ce soit au prix d'un effort régulier, d'une gymnastique corporelle et mentale, pourvu qu'ils atteignent un moment d'exaltation mentale et corporelle, pourvu que, debout quelque part, très haut, contre le noir azur qui pèse sur les cimes, contraints d'ouvrir leurs bras et leur coeur pour étreindre leur Eden, ils touchent à une félicité qu'ls ne raconteront pas.

Colette    où ?

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 23:00

Fleur de boulange

 

Un double rideau à fleurs encadre la vitrine. Très cosy. Le dimanche après-midi, il est tiré et forme un singulier rideau de fer. Des soucis bons enfants dodelinent devant la porte.

Rien de clinquant. C’est sobre, un peu délavé

Dès l’entrée, une sonnerie surprend. « C’est à qui ? » dit la boulangère. « C’est à qui ? , merci, au revoir ». La voix suraiguë ne se pose jamais. Des paupières roses outrageusement maquillées battant comme des papillons. Le geste est lent et un peu mécanique, mais tout empreint de gentillesse, de sollicitude même.

« Alors, six plus dix, plus deux euros cinquante, ça fait… » Le crayon glisse derrière l’oreille et des colonnes de chiffres noircissent le bloc-notes ; deux croissants, cinq chocolatines.

« Chéri, chéri, la cliente voudrait des macarons pour dimanche ». Le chéri arrive. Il est deux fois plus grand qu’elle, deux fois plus gros aussi. L’ogre et la petite fille. Mais un ogre doux, souriant, ouaté comme un monumental Teddy Bear un peu flasque.

Les macarons, il faut les commander, perpétuant le rite des dimanches sucrés.

 

Pizzas et quiches lorraines sont enfermées dans un haut meuble-vitrine, comme des pierres précieuses, ce qui fait saliver les enfants.

Derrière le comptoir, un mur de lambris en bois vernis : des branches de lierre y sont savamment disposées sur toute la surface à l’aide de petits morceaux de papier collant. Ici la nature a envahi l’échoppe pour toujours. Le temps y crisse comme de la soie, comme un tussor qu’on froisse d’un doigt distrait, en pensant à autre chose.

On laisse dehors l’agitation, la poussière de la rue en travaux, le bruit des changements de vitesse au carrefour. On entre là pour goûter d’un temps immobile qui se pétrit, le même chaque jour et cependant jamais usé.

Le dimanche le frère va vendre sur le marché. Des pains aussi longs et blancs que son visage.

 

Roseline Giusti-Wiedemann

Publié dans Le Festin, n°43, p.150

 

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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 19:17

De quoi demain est-il fait ?

 

Je pellete dans les labours de mon passé, y

déterre des ilôts d’expériences. J’ouvre la

benne du jour qui suit, y couche ce qui palpite :

timbre de voix, aube extrudée, strie bleue,

mers, ciels, cocasserie, titubation, sabir de

port, orange orange, caroube nègre, trahison,

brûlure de l’oeil, et pacotille et bimbeloterie.

Rien. Alors je me risque dans les mâchoires du

temps, parée.

Roseline Giusti-Wiedemann, Bordeaux janvier 2009

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 19:14

CONTE ATROU


Le conte Atrou

Histoire de monstre

Conte de trous

Monstre de comptes

Histoire à trous

 

Sept monstres à trous décomptés dans la trouée

 

TROU-SSAIT

Faire le siège du monstre

Le terrasser

-et le monstre dit : peins-moi, souffle-moi

Minotaure de la patience

Ecume

Circonscrire le territoire du monstre

Apaiser ses volcans

Brûler les cavités de ses plaines

Monstre sans peau, sans chair

Hurle, compose, traîne

Et on transperce le monstre

Et les trous se dévident

Et le monstre griffe la dentelle

Remodèle l’asile de trous

Résille-monstre serre tes pointes

Replie tes nœuds

Trous filets lapant le vide à peau de chagrin

Trouée du monstre

Vides substances sucées, laves du trou

Souffle

Trous lavés de miel

Duel avec l’énigme

Danse de la chair

Monstre, gluant,  fumant

Trou qui dégouline la pâte.

 

Roseline Giusti, Nice 1978

In Intact

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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 19:10

Petit conte de Pâques pour gamins gourmands.

 

C’était Pâques. L’horloge sonnait  8 heures à tue-tête. Et Le carillon de l’église semblait ivre tellement il envoyait de sons à la volée par-dessus les toits. Tom le Poussin claironnait dans la cour « Les cloches ont fait un grand voyage et tous les petits enfants sages auront  des œufs en chocolat. Les cloches ont fait… ».  « Tais-toi donc, piou-piou, tu vas les faire fuir les cloches avec ta voix suraigüe »,  grogna Cochon Propre, tout reluisant en un jour pareil.  Mamie Cannette  un peu blanchissante avait mis sa collerette de dentelle et sa voilette immaculée. Son panier d’osier regorgeait de friandises qu’elle s’apprêtait à cacher ça et là dans la prairie. Panache l’écureuil se trémoussait d’aise. Combien d’œufs pourrait-il engranger cette année ? Des blancs, gros et luisants, des noirs cannelés et lustrés, et même des liquoreux que vous volaient les grandes personnes. Pâquerette, la poulette coquette avait mis des primevères dans ses cheveux crépus et Canari soyeux ne la quittait plus des yeux. Gazon tendre, l’escargot, emmenait sa maison en balade vers le terrier d’Archibald le lapin, un endroit sûr pour déguster à son aise. Un beau matin de Pâques ! Tout d’un coup le vent se leva, la pluie glaciale tomba à grosses gouttes, clouant Mamie Cannette au sol. Et tous les œufs de son panier s’éparpillèrent  sur le trottoir mouillé. C’est alors qu’un immense poisson d’or, fendant l’eau du caniveau, s’élança dans les airs. Il s’ouvrit en deux, délicatement, et fit entrer dans son ventre tous les animaux en chocolat. De petits poissons d’argent tombés du ciel recouvraient les toits, comme de la neige. Max se réveilla et courut à la fenêtre. Tout était normal. Sa sœur Lise cherchait déjà les sucreries que leur maman avait cachées dans les massifs de fleurs. Après tout, c’était plus drôle ainsi.

Roseline Giusti

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