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9 septembre 2010 4 09 /09 /septembre /2010 21:01

Anne Xiradakis, nouveaux rituels culinaires


Designer, Anne Xiradakis travaille sur les objets de la table

et leurs usages. Des voyages en Extrême-Orient lui révèlent

d’autres pratiques qui l’incitent à repenser vaisselle et façon

de servir. Là voici créant, selon une combinatoire jouant du

double et de l’envers, des récipients en porcelaine, inattendus.

Elle invente alors les cafés éphémères, espaces d’expérimentation

nomades et immédiats, qui lui permettent de tester

ses recherches. Parallèlement, elle s’adresse à des chefs

réputés et convainc Guy Savoy d’utiliser son

assiette à soupe et son bol à l’envers qui

ne s’empilent ni ne tolèrent de lavage

en machine.Pour JacquesDecoret,

elle étudie une sauteuse à

spaghettis munie d’un goutte-à-

goutte, en inox brossé et

cloche en verre, récipient inédit,

utile et raffiné qui lui vaut en

novembre dernier d’être doublement

primée 2. À l’automne 2008, sur l’invite du Frac Aquitaine,

qui expose l’oeuvre protéiforme de Camille Chaimowicz, le

café éphémère prend l’allure d’un banquet pour 200

personnes. Jour d’intense création où se marient, avec

succès, les audaces culinaires d’un jeune chef parisien,

d’origine basque, Iñaki Aizpitarte, à un service de table

inventif, créé par Anne Xiradakis pour la circonstance.

Quatre «bouchées» miniatures requièrent autant de contenants

appropriés. Le service est surprenant. Les plats arrivent

successivement, enveloppés dans un carré de tissu, le

furoshiki 3, sur une planche à roulettes, sur un plateau, ou

posés sur un fourreau textile. Les convives sont invités à

innover dans leurs gestes : adopter une posture assise sur

un coussin àmême le sol, manipuler une assiette sans bord,

lécher du chocolat fondant sur une langue en céramique…

Rituel culinaire où l’acte de déguster est régi autant par la

vaisselle et son service que par la cuisine.

= www.annexiradakis.aoki.fr

2. Dans le cadre du

concours de Mme

Figaro-De Dietrich,

le grand prix

du public et celui

du jury.

3. Technique

japonaise

traditionnelle

d’emballage

en tissu.

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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 21:30

La galerie Agora, à Agen, expose son mobilier design sur 350 m2, dans une ancienne fabrique de textile.

 

L’INVITATION AU DESIGN

A Agen, dans une petite rue de la vieille ville, non loin de la gare, une ancienne fabrique de textile accueille depuis trois ans, sur quelques 350m2, meubles et objets contemporains, du plus courant au plus luxueux. De quoi faire frémir d’aise les mordus de design. Ils sont tous là ces créateurs célèbres qu’on guette à Milan et que se disputent les galeries parisiennes, ceux qui font la une des magazines spécialisés, l’orgueil des hommes d’affaires branchés ou le délice du lectorat féminin. Mais ici, certainement à cause de la particularité du lieu, de l’agencement heureux de l’espace et de l’affabilité du propriétaire, ces grands noms du design semblent à votre portée, sans arrogance. L’atmosphère est propice à la simplicité des échanges. Des poutrelles en fonte, provenant de la fonderie de Fumel (1) attestent de l’ancienneté du bâtiment et de sa vie industrieuse. La galerie y trouve une épaisseur culturelle qui permet au mobilier contemporain de s’inscrire naturellement dans le continuum de l’histoire. Doté de qualités remarquables, ce bel espace s’offre comme un grand salon où le propriétaire évolue dans l’amitié des objets présentés, goûtant le bénéfice de dix années d’activité opiniâtre dans un précédent local, sis non loin de là.

 

(1)   Fumel…

 

L’appel starckien

Lorsque Philippe Starck  a commencé à démocratiser le design, Philippe Tansini a emboîté le pas. Séduit par les coques en plastique, impeccablement lisses que dessine le célèbre designer, il agit en disciple convaincu. Structures simples mais si inventives ! Le tabouret Bubu 1er, 1991, la chaise Louis XX, 1992, mais surtout le fauteuil Lord Yo, en 1994 ont servi de  déclencheur. Lignes étudiées, confort, résistance, gaieté, production sérielle donc plus accessible, voici les qualités de ces nouveaux meubles que le galeriste va désormais prescrire à ses clients. Depuis, bien d’autres créateurs sont venus grossir ses stocks : il représente aujourd’hui toutes les grandes marques du marché du design, estampillées Pierre Paulin, Arne Jacobsen, Alberto Meda, Jean-Marie Massaud, les frères Bouroullec et bien d’autres. Chaque mobilier est posément choisi pour ses qualités propres. Offre-t-il une gamme intéressante ? Est-il recomposable ?...  Quelques inévitables coups de cœurs viennent compléter cette sélection avisée.

 

Le design et les hommes.

Rallier le plus de clients possible à la modernité c’est bien ce à quoi s’est employé avec ferveur Philippe Tansini. Ses méthodes douces mais persuasives ont fait leurs preuves. L’écouter parler de son métier vous réconcilie avec le design, si toutefois vous conserviez encore quelques réticences vis-à-vis des meubles et objets signés de créateurs contemporains. A l’entendre, on ne comprend pas pourquoi la France entière ne s’est pas mise à vivre plus tôt dans son siècle, comme l’a fait en son temps et de façon magistrale le XVIIIème siècle à Bordeaux par exemple. Adhérer au design, aujourd’hui, ne serait-ce pas en effet, l’occasion de montrer sa faculté à épouser l’époque ? Au contact de Philippe. Tansini, vous risquez fort d’obtempérer. Non point qu’il vous vante d’emblée telle table de Patricia Urquiola ou tel siège de Ron Arad, mais parce qu’il est à l’écoute de vos besoins et de vos goûts, maîtrise l’art de la discussion et s’ingénie à apporter des solutions qui vont vous séduire. Pour donner du piquant à une salle à manger un peu sévère, il saura marier avec justesse les montures dorées ou les pieds chantournés d’une table de style avec le galbe gironde d’une chaise en propylène, sortie sans tache d’un moule industriel. « Je travaille tout en nuance », dit-il, « comme un peintre ». Sa méthode consiste avant toute chose à porter un regard d’ensemble sur la pièce qu’on lui demande d’aménager et non de faire des juxtapositions dénuées de sens.

Il approuve la démarche de Jasper Morrisson qui, à l’occasion de l’exposition de son travail au Musée des arts décoratifs de Bordeaux, a choisi de présenter son mobilier disséminé dans les collections permanentes.

 

Offensive sur les lieux publics.

Mais c’est dans le secteur des lieux publics qu’il s’est taillé la part du lion. Auprès des architectes bordelais, entre autres, avec qui il travaille depuis quelques douze ans. En témoignent l’équipement des 6000m2 de la médiathèque de la ville de Mérignac, (la quasi-totalité des sièges, tables et rayonnages) ou encore celui des bureaux du Palais de Justice à Bordeaux sans oublier les banquettes de la porte ibérique à l’aéroport mérignacais (Lanoire et Couran, architectes). « Dans ce secteur, l’ampleur des chantiers est exaltant », affirme Philippe Tansini, « c’est si différent d’une maison particulière où il est rare de se voir confier la totalité de l’aménagement ». Il a su convaincre les maître d’œuvres du bien fondé du design et introduire dans le paysage du bureau le fonctionnel mais aussi la gaieté des couleurs. Sensible aux matériaux mais plus encore aux formes, aux proportions et aux éclairages, Philippe Tansini a fait ses preuves dans le milieu architectural. On lui donne volontiers carte blanche, confiant dans ses talents de scénographe de l’espace, satisfait de sa touche vigoureuse.

 

Philippe Tansini a l’esprit d’entreprise. Il pense s’établir à Bordeaux prochainement. Pour continuer sa collaboration serrée avec les architectes et investir d’autres milieux, celui de l’hôtellerie, par exemple. Alors, va-t-on cesser de croire que le design c’est tout cuir, tout chrome et passablement cher ? Préfèrera-t-on quelques ventes risquées en ligne, alors qu’on vous garantit provenance et authenticité sans faille ? Reculera-t-on devant des solutions techniques si parfaitement ingénieuses ?

 

A Agen, le design comme il va.

 

Roseline Giusti-Wiedemann

 

Galerie Agora

 

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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 20:47

Au printemps de 1962, Pol Chambost est invité à donner une conférence sur la céramique à Villamblard, petite commune aux confins nord du Grand Bergeracois.

Des stages destinés aux enseignants y sont organisés annuellement par le Centre d’étude et de diffusion des techniques éducatives (CEDTE). On fait alors de cet art du feu un moyen d’éducation. Les professeurs ont pour noms Jean Lurçat, Auguste Heiligenstein ou encore Jean Varoqueaux, animateur de la poterie périgourdine de Lembras. Cette année-là, Pol Chambost y rencontre Paul Corriger, émailleur sur lave à Sainte-Foy-la-Grande, futur lauréat des concours de Vallauris et de Faenza (en 1963) et Abel Coustillas, potier-tuilier de Beauronne1 avec qui il noue des liens indéfectibles. La région l’enchante. Et, lorsque trois ans plus tard, il décide d’un repli stratégique loin de Paris, c’est dans le Périgord qu’il élira domicile. Chance, hasard?

La propriété qu’il achète est celle d’un décorateur célèbre, Serge Royaux. Chambost l’a déjà rencontré par l’intermédiaire de Colette Gueden, styliste et directrice artistique de Primavera – le rayon art et décoration des magasins parisiens du Printemps, avec qui il a collaboré plus de vingt années, de 1943 à 1965. À sa demande, il créera toute une série de pièces dont des natures mortes et des bustes féminins. Designers nouvelle vague De nombreuses commandes de France et de l’étranger, diverses expositions, des récompenses répétées (française, belge, et américaine, notamment le très envié diplôme «Prestige de France») font de Chambost un artiste reconnu. Ses services de table Feuilles, puis Coquillages (1946?) à l’aspect nacré, ont été achetés par des connaisseurs de renom (Vilmorin, Rothschild). Ses grandes céramiques bicolores Corolle aux formes épanouies si typées (dès 1951), le vase Vague (1955) dont on ne connaît que trois exemplaires, font l’objet d’un véritable engouement. Ses pichets aux courbes sensuelles s’accordent avec les tables en forme de rognon ou de haricot, dernier cri en matière d’ameublement. Après le rigorisme des formes issues du Bauhaus, la grande école allemande de design des années 1920, l’heure est au biomorphisme et aux tons vifs, libérés. Chambost fait corps avec les créateurs des années 1950, ceux-là même qui redonnent souffle à l’art décoratif. Les designers Jean Prouvé, Pierre Paulin, Pierre Guariche, Mathieu Matégot, Joseph-André Motte ou René-Jean Caillette, les peintres décorateurs Paul Pouchol et Paule Marrot et les céramistes Georges Jouve, Louise-Edmée Chevalier, Pierre Roulot…

En 1958, le filmculte de Jacques Tati, Mon oncle, montrera sur les tables basses de la très célèbre villa Arpel ses modèles de vases, empreints des enseignements de Braque et de Picasso. Pol Chambost ne cesse d’innover. De nouveaux émaux craquelés jaune «capucine», vert absinthe et rouge, puis des pièces d’un blanc mat ou brillant, sont suivis par des vases et cachepots en terre chamottée* «africanistes» d’un beau bleu dur. Sa passion pour l’art populaire du Berry l’amène même à > par Roseline Giusti-Wiedemannréaliser une série de grès. Chaque saison voit l’élargissement du répertoire de formes et d’émaux. Le Périgord, terre d’adoption Mais l’artiste aspire bientôt à une vie plus calme afin de donner cours à de nouvelles expérimentations dont il caresse le projet depuis longtemps. Dans son domaine périgourdin de Saint-Jean-d’Estissac, il adopte un mode de travail plus artisanal. Ce retour à la nature lui procure un nouvel équilibre, après deux deuils qui l’ont profondément affecté (son père et Paul Pouchol). Avec l’aide de sa femme, il se consacre à l’exécution de pièces monochromes. Vases, coupes, bouteilles se recouvrent d’émaux aux teintes nouvelles : céladons, sangs de boeuf puis turquoises. Son défi ? Obtenir sur faïence les mêmes effets que procure la porcelaine : craquelé, profondeur, chatoiement, velouté qui font la réputation de l’art chinois. Une gageure. Sa nouvelle vie au contact de la nature lui inspire aussi des objets animaliers. Tout un bestiaire très expressif voit le jour : chouettes, hérissons, cygnes…


Alors qu’à la même période, Vasarely à Belle-Isle-en mer (1974) avoue son émotion pour de beaux cailloux polis trouvés sur la plage, Chambost lui, s’intéresse à la forme de l’oeuf. Il en façonne de différentes tailles. D’une belle facture, vendus en exclusivité par la firme de meubles Roche et Bobois ils connaissent un large succès. L’oeuf grand modèle ornera même l’entrée de l’appartement de César et Rosalie dans le film éponyme de Claude Sautet. Sans négliger les Salons parisiens, l’artiste répond aux sollicitations locales. À Mussidan, où il participe activement au lancement du club de céramique, il expose plusieurs fois, notamment en 1972, année où il est également présent aux salons de Cologne et de Munich. On le retrouve aussi au château de Puiguilhem, puis très régulièrement durant les années 1970 à Saint-Émilion. L’homme est resté modeste, il plaît. Son talent est immense, il est apprécié. On vante sa virtuosité technique, sa rigueur, son inventivité. Pol sur tous les tons Diplômé de l’École Bernard Palissy (qui deviendra l’école des arts appliqués à l’industrie en 1923), formé à l’atelier paternel d’art funéraire à Ivry-sur-Seine, Pol Chambost est venu à la céramique par la sculpture, ce qui explique son sens aigu des volumes et sa maîtrise du dessin dans l’espace. L’exposition des arts décoratifs de 1925 lui a donné sa première chance : le modelage de la porte du pavillon des Galeries Lafayette, un ouvrage de 40m2 ; il a dix-neuf ans. S’ensuit une fontaine pour le célèbre paquebot Liberté de la Compagnie Générale transatlantique, en collaboration avec le peintre Paul Pouchol. Très vite, il abandonne la sculpture au profit de la céramique qui, lui autorisant plus de fantaisie, le comble.

En 1933, sous le nom de Céramia, il commence une production régulière, funéraire au début, puis culinaire. La majeure partie de ses créations sera consacrée aux arts de la table, tirant de la faïence des possibilités insoupçonnées. Les qualités tactiles de certaines séries sont particulièrement remarquables ; Chambost joue à souhait des effets de contraste, rugosité de « peau d’agrume» opposée à des surfaces parfaitement lisses, entre autres. À cela s’ajoutent des dons indéniables de colo- 48 • le festin #63 • Pol et Irène Chambost, travail de retouche sur terre crue, 1977.

Recherches

Dossier Céramique Avec l’aide de sa femme, il se consacre à l’exécution de pièces monochromes : vases, coupes, bouteilles se recouvrent d’émaux aux teintes nouvelles D. R. 1.

 

Beauronne est un centre potier séculaire situé près de Mussidan, où A. Coustillas fut le dernier à façonner la terre de façon artisanale. Pol Chambost eut fréquemment recours à ses services. Recherches Dossier Céramique 46

• le festin #63 •
• le festin #63
• 47 Dossier
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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 12:22

René Pavageau est designer; il vit à Bordeaux. Lorsqu'il il ne conçoit pas des objets insolites et imaginaires pour le Saint-James, ce créateur accorde une importance particulière à la manipulation de l'objet qui est pensé comme mode d'appropriation. Son souci est d'atteindre la qualité maximale du rapport avec les choses. Ausi s'attache-t-il à concevoir des objets qui rendent un service et réclament des soins, qui exigent de l'attention, voire un effort et qui laissent des traces dans notre mémoire.

La soumission au matériau, la qualité d'exécution et le souci du détail donnent au création de René Pavageau cette simplicité, cette présence qui qualifient d'ordinaire les objets longuement éprouvés par l'usage, ceux-là même qui exerçaient sur Le Corbusier une fascination sans borne.

 

Roseline Giusti, Le Festin n°25 et L'invité, les chroniques du Saint-james, n°2, décembre 1998.

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7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 20:40

Publié dans Le Festin, n°66

 

Elle foule depuis longtemps le sol pyrénéen avec allégresse, apte à une infinité de tâches, donnant jour après jour la preuve de ses performances. Jadis, elle participait aux labours ou glissait le long des mâts des navires. Elle rendait léger le pas du mineur de fond et bondissant celui du joueur de pelote basque. Elle connaît toujours aujourd’hui l’exaltation des fêtes taurines et l’ivresse des plages atlantiques. Et lorsqu’en plus elle sait se hisser jusqu’aux podiums de la haute couture, l’espadrille se nomme Pare Gabia.


À l’origine, on la fabriquait à la maison ou chez l’artisan du village. On pouvait aller danser le samedi avec sa paire neuve et on l’usait jusqu’à la corde la semaine suivante.C’était une chaussure de travail comme de loisir, peu coûteuse. Les matériaux locaux faisaient l’affaire. Dans les années 1850, l’activité de la sparterie, dont la ville deMauléon fut le grand centre, prit de l’essor1. Au sparte et à l’alfa des débuts2, on préféra bientôt le jute, filé enÉcosse,mais provenant de l’Inde ou de la Thaïlande. Dans les années 1930, on renforça la semelle avec du caoutchouc – moulé, puis vulcanisé – qui arrivait par bateaux dans le port deBordeaux. Sur les métiers qui servaient à tisser le linge basque, on calibra, pour l’empeigne, des bandes (laizes) de petite largeur. Et on fit appel à de la main d’oeuvre espagnole. Reste dans les mémoires l’arrivée, à la fin de l’été, des «Hirondelles » venues par bande, à pied d’au-delà les montagnes. Ces jeunes Aragonnaises portaient le costume traditionnel et, vives et gaies, faisaient tant virevolter leurs longues tresses brunes qu’on ne pouvait s’empêcher d’en tirer les rubans, à leur passage.Elles restaient jusqu’au printemps. Le design «doux» de Pare Gabia À Sainte-Marie-de-Gosse, l’entreprise landaise Pare Gabia connaît un parcours original. Une petite trentaine de personnes en compose l’effectif. L’atelier est actif, mais sans agitation fébrile, bien qu’on y fabrique quelques 200 à 250 000 paires d’espadrilles chaque année dont 50 000 dans la gamme traditionnelle et un millier dans le haut de gamme. Aux machines on coupe, pique ou borde… avec dextérité, ce qui deviendra chaussure ou accessoire (sac), mais on coud toujours à la main, d’un geste prompt et habile, l’empeigne à la semelle, à l’aide d’un dé spécial placé dans la paume de l’ouvrière. L’assemblage se fait ton sur ton, c’est la marque de la maison. On sent l’attachement de chacun à son travail, on salue le tour demain. Les tailles vont du 18 au 48, avec un moule par pointure, parfois deux, en cas de commande importante.Unmême type de semelle se prête à plusieurs modèles3. En été on en créé 120 sur la base de 20 semelles, en hiver 30 sur 10 semelles. À la différence des autres chaussures, les pieds de l’espadrille sont symétriques et ne connaissent ni droite, ni gauche. Arrivée il y a onze ans dans la société, Isabelle Varin, designer, a entrepris de régénérer les modèles existants et d’emboîter le pas à la mode.Un design doux mais efficace, révélant des possibilités inouïes. Respectant son principe De corde et de toile, l’espadrille est une chaussure rustique et légère, qui connaît aujourd’hui un retour en grâce. Avec l’aide d’un designer, l’entreprise Pare Gabia renouvelle avec brio la silhouette de ce soulier traditionnel. archétypal, elle va faire de ce soulier traditionnel un produit moderne. «Parce qu’elle utilise du textile, dit Isabelle Varin, l’espadrille est proche des tendances vestimentaires ». Les collections développent toute une série de variations, déclinée dans les couleurs de la mode et optant pour des matières nouvelles. Si la toile zébrée reste un produit de base, de saison en saison, chaque gamme nouvelle réserve des surprises. Basculer de quelques degrés l’angle des rayures, donner au talon une courbure qui épouse les lignes actuelles, le rehausser avec audace, échancrer l’empeigne aux limites, ajouter un noeud à pois par-ci, poser une rose par-là, dessiner une lanière à boucle venant ceindre très haut la cheville, opter pour un rouge intense ou un jaune fluo, passer de la toile au cuir ou au velours, voici quelques-unes des interventions qui transforment ce soulier traditionnel en escarpin, sandale, babouche ou salomé, sans que jamais l’esprit des origines ne soit perdu. Quelle plasticité a l’espadrille, confiée au design! Quelle créativité, chez Pare Gabia! Sur lemême principe – fond de cordes et assemblagemain – des sacs complètent les collections. Tout aussi simples et élégants. Côté enfants, quelques modèles délicieux et un packaging en forme de malette, réutilisable. Archétype et variations Cajolée par la haute couture (Sonia Rykiel, Dolce Gabbana…) pour ses hardiesses délicates et son authenticité, lorgnée par le passant ordinaire qui cherche à savoir où se procurer cette chaussure ou ce sac qu’il juge unique, la griffe Pare Gabia réussit le tour de force consistant à donner l’impression que chaque produit, fabriqué en série, est une pièce rare4. Décidément, Pare Gabia porte bien son nom, «sans pareil», en langue basque5. La firme s’est ainsi taillée une belle part parmi les fabricants d’articles chaussants, forte d’un service de communication musclé, entre lesmains de NathaliePonzio, aidée de quelques commerciaux qui portent au loin la connaissance de la marque, les Italiens et les Japonais, les hommes en particulier, en sont particulièrement friands. Certes il y a de la concurrence sur le marché, mais ce qui fait la différence c’est justement ce caractère vrai, ce goût de nature, d’évasion, et cette capacité à accueillir le nouveau sans se départir de la valeur mémorielle conférée à la griffe. Comme le disait le designer Philippe Starck : «L’archétype bien fait ne parle pas du passé : il parle d’unemémoire continue non datée.6»+ L’auteur remercie les conservateurs du Musée Basque, Maider Etchepare Jaureguy et Jacques Battesti. 4. On peut désormais, sur Internet, créer le modèle de son choix. 5. L’entreprise créée en 1935, n’emploiera ce nom de marque qu’en 1950. Dirigée jusqu’à sa retraite par M. Corbin, successeur de son père, fondateur de la Société, Pare Gabia vient d’être rachetée par Luxat, une société voisine fabricant des mocassins ; la nouvelle directrice est Mme Aurélie Allègre. 6. in Objets-types et archétypes, Éd. Industries françaises de l’ameublement, 1997, p.60. 44 • le festin #66 • Art de vivre Béarn La griffe Pare Gabia réussit le tour de force consistant à donner l’impression que chaque produit, fabriqué en série, est une pièce rare. Pare Gabia T. 05 59 56 32 38 paregabia.com 01 Recherche #66:Mise en page 1 29/04/08 10:20 Page 44 > par Roseline Giusti > photographies d’Antoine Guilhem-Ducléon 1. Liée entre autres, au marché des mines du nord de la France et à l’exportation vers l’Amérique du sud (Uruguay, Argentine) où de nombreux Basques avaient émigré, l’activité bat son plein jusqu’en 1949, avec une apogée vers 1880. Cf. 150 ans d’espadrille à Mauléon, Éd. Ikherzaleak- Trait d’union, Mauléon, 1986, 2e éd., 1994, p.14. 2. Graminées à fibre dure, cultivées, entre autres, en Espagne.

3. Une deuxième unité de production, installée au Pays basque espagnol, assure la fabrication des semelles. Art de vivre Béarn 42 • le festin #66 •

Aquensis

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7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 20:34

Publié dans Le Festin n°67

 

Un loft dans le Bordeaux XVIIIe.

 

Des maisons de caractère, Didier Garrigos en a connu quelques-unes au cours de sa vie. Soit qu’il ait restauré quelques vieilles bâtisses du XVIIIe siècle àBordeaux-Bastide – avec patio intérieur – ou encore à Bourg-sur-Gironde avec jardins en escalier, l’un regardant la ville, l’autre le fleuve, soit qu’il se soit pris de passion à Sainte-Eulalie pour une demeure contemporaine signée Jacques Hondelatte1. Chaque fois c’est l’aspiration impérative à vivre dans un cadre agréable qui l’a conduit à ces choix.Designer industriel,Didier Garrigos ne saurait habiter autrement que dans des lieux d’exception. Et il s’en est toujours donné lesmoyens. Là où d’autres ne voient que murs délabrés, noircis et longs travaux, lui a la vision immédiate des potentialités architecturales d’une construction. Son dernier coup de coeur, les combles de l’hôtel de Saige, en plein centre deBordeaux. Un grand «plateau» de plus de 130 m2, qu’il a acheté nu, séduit par les qualités spatiales du lieu. Les poutres d’origine en bois ont été renforcées par de plus récentes en acier galvanisé. L’appartement bénéficie d’un côté d’une échappée sur les balustres du toit du grand Théâtre, de l’autre, d’une vision plongeante sur la cour intérieure de cet hôtel particulier construit par Victor Louis2. Rythmé par trois niveaux de planchers différents, délimitant des zones d’activités distinctes, l’espace est fluide et accueillant. Des spots encastrés dans le sol diffusent une lumière douce.Un caisson percé de hublots isole les chambres et les sanitaires. Habitué à travailler selon les exigeantes mais subtiles méthodes de conception industrielle, Didier Garrigos ne cache pas une grande sensibilité, certes aux espaces, mais aussi aux textures.Un détail peut l’enchanter. Découvrir par endroit un appareillage de briques dans cette partie de l’hôtel bâti en pierres blondes a contribué à remporter sa décision d’achat. Aussi s’est-il empressé demettre en valeur ces pans de mur rouges, créant des effets tactiles inattendus à côté de la belle pierre de Gironde contiguë. Souvenirs et rêves de maisons Cette attention portée aux détails remonte à l’enfance. Didier évoque une promenade avec sa grand-mère sur les ruines d’un palais andalou, au sud d’Alicante. L’enfant de dix ou onze ans qu’il était alors s’attarde sur le dallage en marqueterie d’époque presque intact qui pave encore le sol. Au loin, la mer à perte de vue. Un éblouissement qui ne le quittera jamais. Son père, à son tour, lui donne également le goût des belles matières. Bourrelier-garnisseur, il travaillait pour le compte de la Sncf à refaire, entre autres, les sièges de wagons anciens destinés aux musées. Sans doute Didier a-t-il tâté avec plaisir des cuirs, des toiles ou du skaï, geste qui a développé son acuité à la texture des matériaux. Dans son loft, il a joué des contrastes entre le sol en lattes demurapiranga, bois exotique imputrescible tournant au rouge acajou et lemobilier de cuisine d’un blanc lumineux en Corian3. C’est d’ailleurs cet îlot, à droite en Designer industriel, Didier Garrigos est un amoureux des maisons. Dans le Triangle d’or bordelais, il a investi les combles du prestigieux hôtel de Saige, déployant avec brio, et sans nostalgie, un sens affûté des matières et de l’espace. entrant qui attire irrésistiblement à lui le visiteur plus enclin, curieusement, à s’accouder sur le plan de travail immaculé qu’à s’affaler sur le sofa quelques mètres plus loin. De ce grenier inhospitalier, il en a fait un loft chaleureux où il habite avec ses deux enfants. Dénué de nostalgie, c’est un habitat d’aujourd’hui, dans le simple respect de l’existant, en hommage au grand architecte contemporain qu’a été Louis, en son temps. D’un moderne, l’autre. Un jour, Didier Garrigos vendra cet appartement pour tenter une autre aventure, tellement est fort ce désir de projeter des espaces de vie et de donner corps à de beaux matériaux. Ça s’arrêtera dit-il, quand il aura un palais contemporain, avec patio intérieur et pavé de granit. Se pressent déjà dans sa tête, dans une folle danse, des images de constructions de Le Corbusier, d’autres très récentes,mêlées à celles d’habitats traditionnels du sudmarocain et bien d’autres encore. Au fond, le designer aurait pu être architecte.+ 86 • le festin #67 • > par Roseline Giusti-Wiedemann > photographies d’Olivier Rousseau 1. Architecte bordelais talentueux, trop tôt disparu, il reçut notamment le Grand Prix National d’Architecture en 1998. 2. La construction commence en 1776 et se termine au début de l’année 1778. Situé au 23-25 cours du Chapeau rouge l’immeuble constitue la tête de « l’îlot Louis », il s’étend jusqu’au cours de l’Esprit des Lois. 3. Composé à 75 % de pierre naturelle et le reste en résine, ce matériau très performant utilisé pour les cuisines a servi de revêtement au récent hôtel Seeko’o, quai de Bacalan à Bordeaux. Recherches Gironde 84 • le festin #67 • 

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